C’est une combinaison heureuse: un pub anglais classique et une cuisine complète avec un chef reconnu. C’est clair: le Bishop & Bagg, sur Saint-Viateur au coin de Saint-Laurent, veut vous garder chez lui du matin au soir.
En fait, côté bouffe, il s’agit peut-être du secret le mieux gardé à Montréal.
« En Amérique du Nord, on a tendance à croire que la bouffe de pub n’est pas très bonne, explique Toby Lyle, coproprio du Bishop & Bagg. Les pubs en Angleterre ont été rachetés par les brasseries, et la cuisine a perdu ses lettres de noblesse. Mais depuis une vingtaine d’années, certains pubs indépendants ont ramené la bouffe au premier plan, en commençant par « The Eagle », dans le nord-est de Londres. C’est dans cette optique qu’on a ouvert le Bishop & Bagg. »
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Le Menu de Bishop & Bagg
Et le menu a de quoi surprendre. À part peut-être le Full English Breakfast – classique obligatoire – il n’y a rien d’ordinaire.
C’est que M. Lyle (Burgundy Lion) sait l’art de bien s’entourer: aux fourneaux, Pelo Tsavoussis (Joe Beef, Black Strap BBQ); aux shakers, Drahos Chytry (W, Burgundy Lion). C’est pour cette raison que les frontières traditionnelles du pub anglais sont brisées par ce qu’on y sert.
Par exemple?
De la truite fumée et des pakoras de citrouille servis avec un beurre de pomme.
Ou probablement le meilleur pisco sour en ville.
Remplir un besoin
Peut-être peut-on trouver des pubs anglais classiques dans l’Ouest de la ville – Ye Olde Orchard, Honey Martin et le Burgundy Lion sont de bons exemples – mais dans ce coin de la ville, les pubs traditionnels sont plutôt de pâles imitations, ternes, et manquent le je-ne-sais-quoi de l’ambiance classique anglo-saxonne.
Les rues Saint-Viateur et Bernard sont déjà pleines d’endroits merveilleux où manger et boire. Alors pourquoi s’établir ici? « On veut être un pub de quartier. Le Mile-End a une ambiance très communautaire, et on aspire à en faire partie », décrit M. Lyle.
Et comme tout vrai pub anglais, l’endroit ouvre tôt, c’est à dire à 11h. Assez tôt pour y regarder les matchs de soccer de la première ligue anglaise le dimanche.
On y mange…
Le menu est une combinaison d’incontournables et d’inspirations du chef. « Il y a toujours la truite fumée sur le menu, d’une manière ou d’une autre », souligne M. Lyle. Aussi, « les kebabs d’agneau sont notre meilleur vendeur, donc ils restent. » Puis, « il y a toujours une salade qui comprend une viande. Elle change régulièrement. » D’ailleurs, « le menu change aux trois mois, et de temps en temps on a des spéciaux. »
Lors du passage de C&C au pub, le chef Tsavoussis offrait un menu plutôt éclectique d’inspirations anglaises, montréalaises, caribéennes, grecques.
Pour débuter, un classique de la Grande-Bretagne: un Welsh rarebit, un sandwich ouvert au fromage fondu. Mais la version B&B ne s’arrête pas là: laitue, jambon, et un œuf au plat, pour ajouter à la décadence.
Puis, la susmentionnée truite fumée. Les pakoras ont un petit côté sucré-épicé et ajoutent du croquant à une truite fumée presque crue et savoureuse; le beurre de pomme ajoute une acidité qui éveille les papilles. Ensuite, les kebabs d’agneau, qui sont plus Grecs qu’arabes. Les épices sont fortes, fragrantes, et la sauce au yogourt met de l’amertume dans un plat très intense.
Le quatrième plat qui arrive à la table est très intriguant. On nous présente une immense tranche de flanc de porc roulé et poêlée, une sauce de grains de moutarde et de raisins rouges, un peu de yogourt, le tout couché sur une pauvre petite feuille de laitue iceberg. « C’est notre salade de porc », explique M. Lyle. Ça, une salade? C’est un tiers de livre de cochon! Gageons que bien des gens mangeraient plus de salade si elles étaient toutes comme celle-ci… le morceau de viande est succulent. Il est juste assez moelleux pour le couper à l’aide d’un couteau à beurre, mais juste assez consistant pour croquer à belles dents. La petite croûte caramélisée sur le dessus est réellement croquante, et la sauce aux raisins est complexe et balancée.
Ce n’est pas tout: il reste un plat principal. Le poulet grillé à la sauce tamarin avec un mac & cheese style Bahamas. Le poulet est caramélisé, grillé, croquant, collant, et le tamarin acidulé éveille les sens. Le macaroni, lui, est très consistant et fromagé.
Et puisqu’un repas du B&B n’est pas complet sans un dessert, le dernier service est un classique de l’endroit, le « milk jam and chocolate dirt »: du lait condensé caramélisé, une poudre de chocolat croquante, et une bonne quantité de crème fouettée. Ouf!
…Et on y boit
Le Bishop & Bagg aime le gin. On y offre plusieurs importations privées… et une manière relativement rationnelle de le boire. Au B&B, on offre le kopstoot. C’est la version néerlandaise d’un shooter et une pinte.
En fait, le gin est un dérivé du genièvre. C’est cette même boisson qu’on appelle le « gros gin ». Et aux Pays-Bas et en Belgique flamande, le genièvre peut être dégusté tel quel, ou être bu en kopstoot. Un shooter de gin et une gorgée de bière! Les jolis verres en tulipe utilisés pour boire le gin ne font qu’ajouter à l’expérience.
Aussi, le Bishop & Bagg a une longue liste de bières, importées comme locales. Il s’agit d’un des seuls endroits à Montréal où on peut déguster l’Irlandaise Murphy’s, stout légère à l’azote.
Le mixologue, M. Chytry, en plus de connaitre ses classiques et de savoir servir le pisco sour comme personne à Montréal, a l’oreille attentive et les anecdotes d’un vrai barman, comme on n’en voit plus aujourd’hui. Le service agressif et détaché des bars trop achalandés des environs vous sembleront encore plus désagréables après avoir fait l’expérience de ce bijou de quartier.