Dans cette série d’articles, Cédric Lizotte visite certains des meilleurs restaurants d’Europe. De la France à la Suisse en passant par la République tchèque, voici les bonnes adresses pour goûter les délices de certains des meilleurs chefs de la planète. Suivez-le grâce au mot-clic #CedricEnEurope.
BERLIN, Allemagne – Les restaurants de gastronomie fine ont tous une certaine aura: nappes blanches, service formel, ingrédients de première qualité, techniques culinaires expérimentales, et une obsession pour le détail et à la perfection qui frôle le syndrome. Reinstoff, à Berlin, ne fait pas exception à cette règle.
Caché dans une ancienne usine dans le quartier Mitte, la salle à manger est sombre, les plafonds sont hauts, les luminaires rendent le grand endroit tout de même intime, et le service de sommelier en plus des autres serveurs et maîtres d’œuvre est sans faille.
Et avec deux étoiles Michelin, 18 points Gault Millau, un chef – Daniel Achilles – maintes fois décoré, on pourrait s’attendre à une attitude et une expérience hautaine, restrictive, réservée.
Cependant Reinstoff semble avoir une attitude plus décontractée que les autres restaurants. Il n’est pas interdit de rire, dans ce resto.
Et le repas, lui, est simplement excellent.
Restaurant Reinstoff: apéro et amuse-bouche
L’apéro est un simple kir, avec le brut de la maison, le Weingut Geheimer Rat Dr. Von Bassermann-Jordan Reinstoff Exklusiv (mélange de cépages blancs). Tout un nom!
Les amuse-bouche sont extrêmement élégants.
Un saucisson de chevreuil – servi sur un os de chevreuil – est joliment présenté et rappelle la provenance de la viande.
La tartelette d’oignon ressemble à un petit craquelin. Celui-ci est délicieux, feuilleté, délicat.
La betterave blanche est servie à l’intérieur d’une boule de mochi croustillant. La technique est hallucinante, amusante, ludique.
Le « jerky » de truite est servi sur un craquelin de peau de poisson et les textures et techniques se mêlent en bouche pour offrir quelque chose de connu du palais mais inconnu de l’œil.
C’est d’ailleurs le thème de la soirée: les plats servis au restaurant Reinstoff sont nouveaux pour l’œil – les techniques, la présentation, les ingrédients sont utilisés d’une manière surprenante et créative – mais connus du palais – les goûts sont ceux d’ingrédients et de plats relativement populaires.
Le saucisson goûte simplement (l’excellent) saucisson. La tartelette d’oignon n’a rien d’une tartelette, mais le goût est précisément celui d’une tarte à l’oignon. Le mochi cache une betterave toute simple. Et le jerky de truite rappelle le saumon fumé.
On m’offre ensuite un minuscule sandwich de hareng mariné. Encore une fois, des goûts traditionnels avec une technique et une présentation délicate et unique!
Restaurant Reinstoff: ingrédients et vins « tout près »
Au restaurant Reinstoff, on ne peut que choisir entre deux options: « tout près » ou « au loin ». Avec le premier menu, les ingrédients locaux et les vins d’Allemagne et les alentours sont à l’honneur. Avec le second, on déguste des vins et des éléments importés. Puisque je ne suis pas du coin, j’ai choisi « tout près ».
Premier vin: Etsdorf, par Matthias Warnung, de la région de Kamptal en Autriche (Grüner Veltliner). Léger, poires, bonne minéralité.
Le premier plat est un tartare de buffle européen avec du fromage Belper Knolle et une vinaigrette de petit lait, accompagné d’un peu de verdure. Je dois vous confier que j’ai mangé tellement de mauvais tartares dans ma vie que j’appréhendais celui-ci avec terreur. À ma grande surprise, le plat était léger, bien exécuté, simple, offert à l’aide d’une superbe présentation, et a constitué une introduction très accessible face aux plats à venir.
Seul bémol: il a été offert avec un verre de blanc. Celui-ci était délicieux, et c’est peut-être question d’habitude, mais pour moi, un tartare, ça va avec un verre de rouge!
Deuxième plat avec le même vin: de fines tranches de cœur de bœuf saignant et tiède, une belle sauce sucrée et un peu de légumes. Cette fois, le vin va terriblement bien avec le plat… excellent.
Puis, le sommelier s’approche pour m’annoncer qu’il semble y avoir un petit délai en cuisine. Pour se faire pardonner, il m’offre de goûter à un rouge pétillant. Ce n’est pas tous les jours qu’on entend parler d’un rouge effervescent comme un champagne, je suis donc curieux.
Bardong Extra Brut (pinot noir). Alors là, je suis stupéfait. Ils ne produisent que 7000 bouteilles par année en moyenne, m’informe le sommelier. Il s’agit d’un des meilleurs vins effervescents que je n’aie jamais goûté. C’est léger, mais le goût de pinot noir prend sa place, encore mieux qu’avec un raisin blanc. Wow!
Restaurant Reinstoff: Plat principal
Et que dire de ce plat principal: un filet de sandre, du kohlrabi et une sauce au blé. Quelle délicatesse, quel mariage parfait, quelle exécution! Et le vin, le pinot noir pétillant, va si incroyablement bien avec le plat… Franchement, je dois dire que ça frôle la perfection!
Ensuite, un autre vin ésotérique: un vin de glace rosé! Weingut Essinger Sonnenberg Beerenauslese, Frey, 2010 (cabernet sauvignon et merlot). Hyper liquoreux, sucré, complexe, c’est un sirop de raisin aux mille et une nuances.
Ce vin et un plat de sorbet constituent le trou normand. Un sorbet de néflier (!) est couvert d’un vin d’orange (!!).
Ensuite, avec le même vin, un plat de fromage: du fromage de chèvre, à différentes étapes de maturation, est accompagné de céleri-rave rôti et de fraises marinées. Encore une fois, toutes les notes s’entrechoquent à la perfection. Que dire de plus…
Finalement, au dessert, un cidre tranquille – Andreas Schneider, Obsthof am Steinberg, 2013 – est accompagné de l' »arbre à fruits »: la version Reinstoff du baumkuchen, ce dessert si typique de l’Allemagne, avec des fleurs et des fruits.
Je dois l’avouer: un des meilleurs repas qu’il m’ait été donné de déguster de toute ma vie. Chapeau!
Reinstoff
Schlegelstraße 26C, 10115 Berlin, Allemagne
+49 30 30881214
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