Voyager au Myanmar: à Yangon comme à Mandalay, la plupart des trottoirs est impraticable. Un système d’égouts pluviaux en dessous du trottoir devrait être couvert par des plaques de béton, mais une plaque sur trois est cassée ou tout simplement manquante. Et quand le trottoir est couvert, des vendeurs de fruits, d’herbes, d’ail et de gingembre, de vêtements traditionnels birmans, de gougounes, de fausses Ray-Ban Wayfarers ou de mauvaises copies de Converse All-Stars s’y installent. Parfois, il s’agit plutôt de restaurants de rue, avec des chaises en plastique pour enfants pour s’asseoir et des tabourets en guise de tables, qui installent leurs cuisines de fortune et leurs petits poêles au charbon sur le dangereux trottoir, ballottant et risquant de casser à chaque pas, lourd et friable.
Mais ce qui frappe le plus, sur les trottoirs du Myanmar, c’est l’omniprésence des génératrices au diésel.
L’électricité, c’est presqu’un luxe. Le système électrique birman est en très mauvais état, et les blackouts sont fréquents. Sans prévenir, l’électricité saute sur quelques coins de rue à la fois. Et puisque le gouvernement, plutôt sourd face aux demandes de ses citoyens, s’occupe de l’électricité, personne ne sait quand le courant reviendra.
Les entreprises et les familles plus fortunées doivent donc se procurer des génératrices, qui fonctionnent parfois durant de longues heures.
Aussi, le climat à Yangon et Mandalay est chaud et sec, et des nuages de poussière, de fumée de charbon de bois, de sable et de fumée de pétrole sont constamment dans l’air, le rendant parfois à peine respirable.
Pourtant, voyager au Myanmar, c’est trouver un endroit extraordinaire à visiter. Parce que ses habitants sont d’une gentillesse et d’une générosité inégalée.
Voyager au Myanmar: Généreux alors qu’ils n’ont rien
Dû à son histoire pathétique, le Myanmar est coupé du monde depuis plusieurs années. Ce n’est que depuis juin 2012 que les touristes peuvent obtenir un visa d’entrée rapidement – en aussi peu que trois heures à Bangkok ou 36 heures à Kuala Lumpur.
Les Birmans sourient invariablement lorsqu’ils aperçoivent un étranger. Une fois sorti du centre-ville, je suis inondé de « hello! » lorsque je me promène, interpellé par les jeunes comme des plus vieux. Et les enfants sont virés sens-dessus-dessous lorsque je leur adresse la parole ou fais quelques blagues. Toujours prêts à aider, sans malice, les gens sourient et sourient encore.
Les gens vont aussi défendre les visiteurs. Par exemple, lorsqu’une vendeuse ambulante tente, dans le train, de changer le prix de ses mandarines parce qu’elle les vend à une touriste, trois ou quatre voyageurs, birmans, s’interposent et demandent à la vendeuse ambulante de cesser de mentir.
Après la fermeture d’un petit restaurant et après avoir offert un verre à deux employés libérés de leurs obligations, ceux-ci s’empressent de me faire goûter, gratuitement, les alcools locaux qui ne sont pas au menu. Après quelques verres, ceux-ci m’invitent à un spectacle extérieur qui se termine aux petites heures du matin. Soucieux de mon bonheur et de ma sécurité, ils m’avisent de bien sécuriser mes poches, de rester près d’eux; bref, ils me traitent comme un frère.
Politique dévastatrice
Si, en Asie du Sud-Est, la Thaïlande représente la fête, si le Vietnam rappelle la guerre, et si Singapour personnifie l’essor économique, le Myanmar représente la pauvreté. Voyager au Myanmar montre cette pauvreté au grand jour. Et le gouvernement birman est grandement responsable de cette situation. Mais les choses commencent, très lentement, à changer.
Aung San Suu Kyi, militante pour la démocratie en Birmanie, qui était en résidence surveillée depuis des années et lauréate du prix Nobel de la paix en 1991, a été relâchée en 2010. Le gouvernement militaire s’est dissous en 2011. Les élections partielles du premier avril 2012 ont permis au parti de Dre. Suu Kyi de faire partie du Parlement et de continuer à travailler avec son parti politique, la Ligue nationale pour la démocratie. Le pays a été rapidement ouvert au tourisme suite à cette élection. Le président américain Barack Obama s’est d’ailleurs rendu à Yangon en novembre 2012.
Mais malgré les progrès, de sérieux problèmes des droits de l’homme persistent au Myanmar. Par exemple, certaines provinces sont toujours hors d’accès pour les touristes, en raison de querelles entre différentes ethnies. Et une situation beaucoup plus grave est gardée sous silence par le gouvernement birman depuis des années. Présentement, dans la province du Rakhine au sud-ouest, des citoyens musulmans se disent persécutés, traités comme des réfugiés dans leur propre pays.
(Note: cet article a été rédigé en 2013. La situation des Rohingya n’était pas connue à l’international.) Des dizaines de morts ont été rapportées en juin dernier lorsque trois hommes musulmans ont été accusés du viol collectif et du meurtre d’une femme bouddhiste. Le conflit s’épanche, et la situation rappelle celle du Kosovo, alors que les forces locales affirment que les musulmans de cette province sont des immigrants illégaux venant du Bangladesh; plusieurs de ces musulmans ont tenté d’aller au Bangladesh, mais le pays les repousse à la frontière. Les informations sont difficiles à obtenir au sujet de ce conflit, complètement ignoré par la presse internationale. Al-Jazeera a dédié un long documentaire sur le sujet et faisant état de violences, documentaire qualifié de mauvaise propagande par des observateurs locaux. Voyager au Myanmar peut devenir un dilemme moral.
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